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Rembrandt van Rijn, Vue d'Amsterdam depuis le Nord-Ouest, vers 1641

Au Siècle d’or de Rembrandt, une société multiculturelle

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Les Pays-Bas où le Hollandais a créé ses gravures offrait une liberté de conscience et de pratique importante. L’artiste a aussi vu la naissance d’un marché de l’art très friand en estampes religieuses.

Le pays dans lequel Rembrandt vit et construit sa carrière au 17ème siècle n’existe pas depuis très longtemps. Le neuvième rejeton de la famille van Rijn naît 25 ans après la fondation, en 1581, des sept Provinces-Unies des Pays-Bas. Dans cet Etat-nation, la Hollande côtoie la Zélande, la Groningue, la Frise, le Gueldre, l’Overijssel et la province d’Utrecht. Chapeauté par une Assemblée fédérale, cette construction politique donne à chaque région un haut degré d’autonomie.

La province de Hollande dans laquelle Rembrandt produit ses œuvres offre à ses habitants une liberté de conscience et de pratique assez large. Comme dans l’ensemble des provinces néerlandaises, la Réforme est la religion dominante, mais on peut y pratiquer d’autres cultes. On ne peut pas célébrer publiquement de messe catholique ou de cérémonie juive, mais il existe de nombreuses églises clandestines. Au milieu du siècle, rien qu’à Amsterdam, on en compte une cinquantaine où les pratiques non-réformées sont tolérées. Historien spécialiste du « Siècle d’or » néerlandais, Jan Blanc le dit bien dans le catalogue de l’exposition : de sa naissance en 1606 (ou 1607 selon les sources) jusqu’à sa mort en 1669, Rembrandt a vécu « au sein d’une société multiconfessionnelle marquée par une tolérance qui concerne aussi bien les choix religieux qu’artistiques ».

Une formation chez un peintre catholique

A Amsterdam, seule la moitié de la population appartient à l’église réformée, précise l’historien. L’autre moitié regroupe de nombreux catholiques (20%), mais encore des luthériens (15%), des juifs (10%) et d’autres communautés religieuses comme les mennonites (5%). La mixité est encore plus marquée dans l’ensemble des Provinces-unies puisqu’en 1620, les calvinistes n’y représentent que 20% de la population. Le milieu social que Rembrandt fréquente pendant sa carrière est donc loin d’être uniforme. Le peintre habitera longtemps dans le quartier juif d’Amsterdam, où il achète une maison en 1639. Dans son article intitulé « Un art de tolérance ? Peinture et religion à Amsterdam à l’époque de Rembrandt », Jan Blanc rappelle aussi une influence que l’histoire a un peu oubliée, mais qui a sans doute été déterminante, celle du grand maître hollandais Pieter Lastman. Ce peintre d’histoire, de confession catholique, a formé le jeune artiste au tout début de sa carrière.

Au début du 17ème siècle, Pieter Lastman était considéré « comme un peintre d’histoire parmi les plus brillants de son temps ». Pour certains commentateurs de l’époque, il pouvait même se comparer à son contemporain Peter Paul Rubens. Connu comme l’un des meilleurs connaisseurs de la peinture italienne, Lastman a une réputation de grand érudit et de lecteur très attentif des sources dont il s’inspire. Rembrandt n’a séjourné dans son atelier que pendant six mois, alors qu’il n’avait pas encore 20 ans. Mais comme d’autres élèves et comme plusieurs autres artistes néerlandais de l’époque, il s’inspirera ouvertement du travail de ce maître. On connaît notamment une variation sur la figure du devin israélite Baalam, peu abordé par les artistes avant Lastman et que le jeune apprenti réinterprète en dessinant les corps de façon plus expressive : « La réussite de cette œuvre marque de nombreux contemporains » dit Jan Blanc. Sa qualité sera même si évidente qu’un autre peintre amstellodamois s’en inspire à son tour et qu’un marchand aragonais achète la peinture.

Un artiste très dépensier

Dès les années 1610-1620, grâce à un essor économique porté par l’économie néerlandaise, « Amsterdam devient rapidement une plateforme politique, économique et artistique importante aux Pays-Bas », relève Jan Blanc. Venu dans la capitale hollandaise pour se rapprocher de riches commanditaires, Rembrandt en tirera largement profit. Il saura aussi très bien jouer des logiques du marché local et européen, où ses estampes se vendent parfois très cher. Œuvre phare de « Rembrandt et la Bible », la Pièce aux cent florins tient son surnom du prix qu’un marchand flamand a payé pour l’acquérir : « À l’époque, c’était une somme phénoménale pour une estampe moderne » dit Jan Blanc. L’ironie veut cependant que Rembrandt, tout en étant un négociateur tenace et un habile acteur de sa valeur marchande, se comportait « comme un panier percé ». Toute sa vie, il dépense son argent sans compter. Il achète en particulier de l’art de façon compulsive. Cette passion le conduira un jour à la banqueroute… avant qu’il ne se renfloue en vendant une partie de ses biens et avec de nouvelles commandes. Jusqu’à sa mort, Rembrandt restera considéré comme le plus grand artiste hollandais de son temps, et l’un des plus demandés.

Jésus prêchant et guérissant les malades, dite La Pièce aux cent florins, Musée Jenisch (Vevey)

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