Cri ! Le Jugement de Salomon
Cri ! Le Jugement de Salomon Jeudi 15 janvier à 18h30 Après le succès du spectacle ...
InscriptionTous les événements
Le tableau du Temple de Lyon nommé Paradis est une des pièces les plus remarquables du Musée. Petit décryptage à propos d’un certain nombre de détails croqués ici par l’un des principaux peintres du 16e siècle réformé.
Le chien est un habitué des gravures protestantes. Le meilleur ami de l’homme figure ainsi dans le tableau représentant le Temple de Paradis exposé au MIR. On pense que le chien symbolise la fidélité, valeur cardinale de la Réforme, mais sa présence dans le Temple pourrait aussi indiquer que l’Église, en régime protestant, est désormais désacralisée, cet animal étant souvent associé à l’impureté.
Ce tableau a été vraisemblablement réalisé par Jean Perrissin, l’un des auteurs de gravures également exposées au MIR dans la Salle Barbier Mueller, tirées des «Quarante tableaux ou Histoires diverses touchant les Guerres, Massacres et Troubles advenus en France… ». Le tableau du Temple de Paradis pourrait avoir été exécuté quelque temps après sa destruction. Construit en 1564 à Lyon, il est démoli trois ans plus tard au moment de la reprise des guerres de religions en France.
Ce tableau est un des rares témoignages visuels des premiers temps de la Réforme en France. Il s’agit de la plus ancienne représentation d’un temple protestant. On observe une différence foncière d’avec les édifices catholiques. L’architecture est conçue pour faciliter l’écoute du pasteur que l’on voit installé dans sa chaire au centre de l’image. Un petit sablier sur sa droite doit l’avertir qu’il doit bientôt achever sa prédication. Les fidèles qui l’entourent se répartissent très librement dans le bâtiment. On entre, on sort, on discute, on se découvre, il y a des enfants, des femmes, des hommes portant l’épée, d’autres pas, une cinquantaine de fidèles en tout, croqués dans diverses attitudes donnant à souligner une certaine mixité de la communauté ecclésiale.
Temple de Paradis
Le tableau du Temple de Lyon nommé Paradis est une des pièces les plus remarquables du Musée.
On y perçoit néanmoins les termes d’une hiérarchie sociale puisque certains paroissiens peuvent s’appuyer contre un dossier alors que d’autres doivent tenir en équilibre sur des planches de bois peu confortables. Quant aux femmes, elles sont regroupées au même endroit, ainsi que quelques enfants que l’on voit un livre ouvert sur les genoux, un catéchisme peut-être ou un psautier.
On ne sait pas très bien quelle cérémonie se déroule dans le Temple. Il pourrait s’agir d’un mariage, si l’on observe les deux personnages placés un peu en retrait sous la chaire, ou alors ce peut être un baptême qui se prépare avec l’arrivée sur la gauche d’un couple portant une aiguière (sorte de récipient en étain rempli d’eau) et une serviette. Mais l’enfant n’est pas visible, ou alors il s’agirait de baptiser le couple au pied de la chaire, hypothèse fragile car l’anabaptisme en régime réformé n’est alors pas d’actualité à Lyon en ce temps-là.
On est aussi frappé d’observer à la fois sur la galerie et les dossiers de quelques bancs la présence de fleurs de lys qui évoquent la royauté et le pouvoir. Jean Perrissin, qui était protestant, a vraisemblablement voulu explicitement rappeler que la Réforme ne visait aucun objectif politique.
«Nous n’arrêtons pas de prier Dieu pour votre prospérité et celle de votre règne», écrivait Jean Calvin dans son Épître au Roi François Ier qui introduit la première édition de l’Institution de la religion chrétienne, elle-aussi exposée au Musée.
Ce tableau représentant le Temple de Paradis, accroché sur les murs du MIR grâce à la générosité de la Bibliothèque de Genève qui le prête au Musée, souligne la double vocation des Réformateurs qui furent à la fois traducteurs et interprètes. On souligne à juste titre que l’un des principaux acquis de la Réforme fut d’avoir démocratisé la lecture de la Bible en favorisant sa traduction dans les langues vernaculaires de l’époque. Mais on observa rapidement du côté des Réformateurs que ces textes vieux de 1500 ans devaient être interprétés et dialoguer les uns avec les autres, faute de quoi des lectures sélectives pouvaient provoquer un certain nombre de dérapages ou des initiatives plus révolutionnaires que réformées, comme les destructions d’images au nom du 2e commandement ou l’instauration du Royaume de Dieu sur terre à partir d’une lecture sans recul du Sermon sur la Montagne.
Des Réformateurs aussi importants que Luther et Calvin comprirent très vite les dangers d’une lecture laissée sans un certain nombre de guide et d’adaptations. Il faut comprendre le développement de l’Université et de la théologie dont ils furent des indéfectibles avocats, comme des remèdes administrés contre un usage trop individualiste de la lecture biblique.
Du haut de sa chaire, mais sommé par le sablier de tenir compte des capacités de concentration d’un public que l’on sent légèrement dissipé, le pasteur réformé explique la Bible et proclame sa vérité à partir des interprétations qu’il a développées pour l’adapter à la culture de son temps. Le tableau du Temple dit du Paradis est une clé qui ouvre à la compréhension de la geste réformée consistant à diffuser le plus largement les vérités bibliques, jusqu’aux chiens «qui mangent les miettes tombant de la table de leurs maîtres». (Matthieu 15,27).